Problématique de l’emploi en Algérie : nécessité de nouvelles solutions 

Problématique de l’emploi en Algérie : nécessité de nouvelles solutions 
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C’est l’emploi, singulièrement celui des primo demandeurs, s’agissant de la catégorie sociale la plus exposée au chômage (78,8% des chômeurs ont moins de 35 ans), et celui des wilayas du Sud, s’agissant des régions les plus déficitaires, qui demeure malgré tout le premier point de fixation du mouvement social en Algérie.

Des résultats intéressants ont été certes obtenus puisque le taux de chômage qui était de 29,2% en 1997, selon l’inspection générale du travail, a été ramené à 10% en 2012 selon l’ONS. Il est vrai également que les pouvoirs publics avaient déjà donné la priorité à l’emploi des jeunes en trouvant d’abord des débouchés post-universitaires et post-formations professionnelles aux importantes cohortes qui arrivent sur le marché du travail. Je rappelle, à ce propos, les mesures qui avaient été prises dans l’urgence, à l’apogée de la contestation sociale, par le Conseil des ministres du 22 février 2011, sur fond de “printemps arabe” généralisé. Ces mesures (contrats d’insertion, incitations fiscales, soutien à la création d’entreprises) avait fait retomber la pression mais ne l’ont pas fait disparaître. En ce temps c’était Samir Larabi, porte parole du « Comité des chômeurs algériens » qui nous rappelait que l’article 55 de la Constitution indique expressément que “tous les citoyens ont droit au travail”. Aujourd’hui, de nouveau, en évitant toute récupération politicienne ou d’une autre nature, Tahar Belabbès, coordinateur du Comité national de défense des droits des chômeurs (CNDDC), a pu mobiliser des milliers de jeunes demandeurs d’emploi à Ouargla sur les mêmes revendications. Alors beaucoup reste à faire. Coïncidence de calendrier, cette manifestation s’est déroulée juste après la visite de Mme Lagarde, directrice du FMI, qui avait aussi pointé du doigt le chômage et l’inflation comme étant les deux chantiers prioritaires de l’économie algérienne ; même si elle estime par ailleurs que cette dernière est “très robuste”. Mais en même temps elle a appelé à faire plus d’efforts en matière de maîtrise budgétaire. La question qui se pose, dans ces conditions, c’est de savoir si on n’a pas atteint les limites de financement budgétaire des politiques publiques de l’emploi. Dans tous les cas, il est grand temps de rechercher et d’identifier de nouvelles pistes de création d’emplois car le défi est toujours là. La relance annoncée du secteur industriel peut-elle constituer une de ces pistes ? Au-delà des mesures déjà prises et celles que prendront les pouvoirs publics, sous le sceau de l’urgence, cette piste de solution m’apparaît en effet, au-delà de son apport complémentaire massif, de caractère plus structurel et plus durable. Le secteur industriel est un des derniers moteurs de croissance et de création massive d’emplois qui n’a pas été encore mis en route en Algérie. Brève rétrospective pour spécifier cette question et valider cette piste de solution nouvelle. L’analyse des données de la période 1999 à 2007 fournies par le ministère du Travail et de l’Emploi nous montre que la création d’emplois est portée par les secteurs moteurs de la croissance (BTPH, agriculture, le secteur informel, services et Fonction publique). Une telle tendance s’est d’ailleurs poursuivie jusqu’en 2012. Le BTPH, par exemple, est passé de 743 000 emplois en 1999 à 1 258 000 en 2007. Durant la même période, les emplois dans les secteurs du commerce, des services et de l’administration ont aussi augmenté de 2 447 000 à 3 143 000. Ceux de l’agriculture sont passés de 1 185 000 à 1 852 000. Quant à ceux fournis par “les formes particulières d’emploi” (informel + dispositifs d’aide à l’emploi + travail à domicile) ils passent de 1 175 000 à 2 525 000 pendant la même période. Les secteurs de l’agriculture, des services et du BTPH représentent à eux seuls 54,8% de la création nette d’emplois. A l’inverse, le secteur industriel plombe la croissance de l’emploi et, pire, en détruit. Ainsi durant cette même période, ce secteur ne crée pratiquement pas d’emplois (493 000 en 1999 et 522 000 en 2007). Cela est observable dans la baisse régulière de sa contribution au PIB (5% en 2012) et dans celle de son indice pour 2010 (- 2, selon l’ONS).

Alors la nouvelle réponse à la problématique de l’emploi est toute trouvée : il faudra relancer rapidement le secteur industriel par tous les moyens possibles et tous secteurs confondus car, après avoir détruit de l’emploi, il peut en créer massivement, y compris dans les wilayas du Sud. En reconstruisant par exemple, sur des bases modernes et rénovées, les bassins d’emploi des grands centres urbains (Alger/Rouïba, Constantine, Annaba, Sidi Bel-Abbès, Sétif/Bordj, Oran/Arzew etc.). Evidemment, la réhabilitation des capacités existantes et les nouveaux investissements pour asseoir cette relance industrielle devront intégrer les capacités de recherche technologiques et d’innovation des grands centres universitaires qui ont été développés dans ces pôles. Cela sera autant d’opportunités qui seront offertes à des demandeurs d’emplois diplômés, aujourd’hui désemparés pour la plupart. En inversant la tendance à la désertification industrielle du pays et en faisant l’effort de mettre en adéquation le système de formation et de recherche avec les nouveaux besoins industriels et technologiques, on réalisera deux objectifs. Le premier est de celui de relever durablement et structurellement le défi de l’emploi. Le deuxième est de rentrer dans la mondialisation par le haut : celle d’une économie tirée par le développement industriel et technologique. Les premiers signaux faibles sont enfin audibles (cimenteries de taille adaptées à Béchar et In Salah, réévaluation des gisements miniers de Béchar et Gara Djebilet, projets mécanique et automobile à Constantine, Oran, Rouïba et Tiaret, sidérurgie à Jijel). Mais je vais vous livrer le fond de ma pensée. On a perdu trop de temps avant d’identifier ces solutions et encore plus à les concrétiser. En vérité, trop d’intérêts installés et informels s’y opposent encore car la substitution aux importations limite leur boulimie. La bureaucratie fait le reste.

M.M

LG Algérie